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Féminisme, inclusion, luttes sociales et dramas twitter...

Publié le

Je passe beaucoup de temps sur twitter. Objectivement trop. En tout cas, plus que je ne le voudrais et le devrais. Du coup je vois passer plein de sujets, pleins de thread et aussi pas mal de ce truc qu'on appelle péjorativement "drama" twitter.

Les thématiques qui reviennent le plus en ce moment dans ces échanges parfois houleux(sic) sont le féminisme et l'inclusivité... Je suis parfois mal à l'aise de voir plusieurs personnes que j'apprécie pour diverses raisons s'étriper(oui ça finit souvent comme ça) pour d'autres diverses raisons.

Je n'envisage pas ici de rajouter du bruit au bruit, mais plutôt de vous présenter mon vécu, mon cheminement(toujours en cours) qui m'a permis de faire évoluer certaines de mes postures...

A l'origine du monde était "les féministes, elles sont un peu chiantes quand même non"?

Ben ouais d'abord! Elles nous font chier avec leur écriture inclusive à base de point médian et autres néologismes. Elles nous font chier à tous nous traiter de violeurs. Elles nous font chier à dire qu'on fait forcément parti du problème. Et pire du pire, elles exigeraient qu'on change des trucs alors que moi ma vie elle va très bien et puis je fais rien de mal, je ne viole ni ne harcèle personne!

Ca c'était ma posture y'a pas forcément si longtemps. J'étais le premier à sortir les poncifs du genre "ouais mais elles desservent leur cause en étant aussi agressives", "rah mal quelle hystérique celle-là", etc. Et j'avais plein de bonnes raisons de penser tout ça. Par contre, j'avais aussi conscience de faits statistiques simples: les femmes gagnent moins, ont moins accès aux postes à responsabilité et sont plus susceptibles d'être victime  de harcèlement ou d'agression sexuelle.

Et donc? Et donc je me suis posé une seule question: laquelle de ma posture ou de la leur était la plus susceptible de faire évoluer les choses? Et si j'avais encore un doute sur la leur, il ne faisait guère de doute que la mienne n'était pas en mesure de faire évoluer quoi que ce soit puisque je ne proposais rien d'autre que de la critique à leurs propositions.

Et donc?(bis) Et donc, j'ai arrêté de parler et de donner mon avis(sauf quand je voulais qu'on me le challenge) et j'ai écouté. Au début, pas beaucoup, c'était même pas fait exprès. J'ai commencé par la conf d'Audrey Neveu The Hitchhiker's Guide to Diversity (Don't panic!).

Regardez et écoutez cette conférence. Une fois, deux fois, dix fois, mille fois si besoin. Son propos est limpide, brillant et éminemment courageux. Pour ce dernier point, j'ai mis plus longtemps à me rendre compte à quel point.

Mais soit, j'ai commencé par cette conf. J'ai retenu une chose principale : "N'ayez pas peur de faire tourner la machine à empathie à plein régime!". Alors j'ai commencé avec ça. Mais rien que ça, c'est facile à dire, mais à faire c'est autre chose. Tant qu'on n'est pas en situation applicable, ça reste une belle phrase vide de sens.

Et puis est arrivé ce moment où une développeuse s'est pointée dans l'équipe et qu'elle a eu l'outrecuidance de me dire que mon exemple de code avec le "nom de jeune fille" dedans, était peut-être un peu rétrograde. Ma première réaction a été intérieurement, "rah mais qu'elle est relou on s'en fout non?"... Et j'ai eu ce petit rappel de "l'empathie". Alors j'ai rangé mon état d'âme, ma réaction et j'ai essayé de comprendre, de "me mettre à la place de" et de voir pourquoi ce bête groupe de mot "nom de jeune fille" pouvait être problématique et participer à perpétuer cette idée selon laquelle une femme ne devient vraiment femme que le jour où elle accepte de se lier à un homme... Et j'ai compris. Et j'étais gêné. Alors j'ai tourné la situation en dérision, à haute voix cette fois-ci "roh la la qu'elle est pénible la féministe... Bon, nom de naissance et nom marital c'est ok?" (les citations, datant un peu elles sont approximatives mes excuses...).

C'était la première fois que je sortais réellement, consciemment et intentionnellement de mes constructions sociales misogynes. La première d'une longue série...

J'ai donc commencé à vouloir me prendre pour un allié, sans réellement savoir ce que ça voulait dire. Mais j'ai continué à écouter. Et j'ai eu l'occasion d'entendre Nastasia Saby parler des sexismes involontaires. Je me suis dit que ça ferait un super épisode pour le podcast alors je l'ai invitée et on a parlé sexismes involontaires.

J'ai découvert plein de choses en échangeant avec elle, que ce soit pendant l'épisode, ou hors enregistrement pendant nos discussions. Déjà qu'il n'y avait ni UNE forme de sexisme, ni UNE forme de féminisme. Comme dans toute chose, il y a des écoles, des courants de pensée, des influences, des évolutions et que tout ça ne cesse de bouger! Ça peut donc parfois être difficile à suivre et il est de fait important de se faire aider et accompagner si on veut gagner du temps.(et qu'on n'a ni le temps ni la motive de lire tout ce qu'elles ont lu jusqu'ici)

Du temps a passé et je comprenais de plus en plus de choses et de concepts liés aux discriminations et aux privilèges. Tiens, le mot privilège. Je n'aime pas son emploi habituel. Je suis un homme. Blanc. En bonne santé. Né en France. Propriétaire. Je suis donc, aux dires de tout un tas de militantes et de militants, un privilégié. Voici comment j'ai l'impression d'être perçu quand j'entends ou lis ce mot:

Représentation du roi Louis XIV dans sa tenue la plus excessive

Représentation du roi Louis XIV dans sa tenue la plus excessive

En vrai, je comprends ce qu'iels veulent dire. Je peux compter le nombre de fois où j'ai été contrôlé par la police(une seule). Je n'ai jamais été refoulé pour une location d'appartement, pour un job, pour un pub ou un boite(mauvais exemple, pas trop mon kiff)... Je ne me suis jamais senti visé par les propos des partis politiques fascisants... Est-ce pour autant un privilège? Alors jouons sur les mots mais j'aimerais que non. Que ça n'en soit pas un, que ma situation soit normale et qu'absolument tout le monde puisse vivre de la même manière. Mais je sais au fond que cette vision est trop naïve! Ce qui constitue un privilège, c'est de ne pas avoir à se poser ce genre de question. Si ce n'est pas un privilège, alors c'est clairement un luxe.

Et ne pas s'insurger contre ces écarts de traitement, c'est, d'une manière ou d'une autre, faire en sorte qu'ils se perpétuent. Et là on rentre vraiment dans la notion de privilège au sens moyenâgeux du terme: un droit supérieur du fait d'une meilleure naissance que l'on conservera et transmettra. Je ne veux pas que ma liberté devienne une exception, je veux qu'elle soit la norme!

Pendant toutes mes années dans la tech, j'ai vu pas mal de comportements sexistes. Allant des plus gras "sympa ton décolleté, ça va être dur de se concentrer aujourd'hui" aux plus fourbes "c'est bien d'avoir une fille dans l'équipe, parce que les filles sont plus sensibles"... Et entre les premiers qui se cachent sous l'humour et les seconds sous une fausse bienveillance, on n'est pas rendu. Pour comprendre mieux l'impact sur nos métiers, je vous conseille la conférence de Marcy Charollois : Pourquoi vous n'attirerez et ne retiendrez pas les femmes dans vos équipes tech !

J'ai eu la chance de beaucoup échanger avec Marcy. Elle fait clairement partie de ces féministes chiantes dont je parlais au début de cet article. Mais au lieu de juger simplement et bêtement qu'elle était chiante, j'ai écouté son histoire, ses luttes, ses combats quotidiens. J'ai ainsi découvert qu'il n'y a pas "juste 2-3" femmes militantes qui montent au créneau mais qu'il y a en fait des groupes entiers de profils minoritaires(LGBT, racisé·e·s,...) qui se structurent pour s'entre-aider, se soutenir tant personnellement que professionnellement.

Je me suis donc mis à suivre plein de ces profils sur twitter, histoire de changer un peu la face de mon feed où les barbus blancs 30/40enaires y sont sur-représentés. Et j'ai vu les dramas se multiplier. Certains diraient que c'est bien la preuve que ce sont ces personnes qui posent problème si en en suivant plus, j'ai plus de dramas. Mais non, c'est l'inverse. En lui suivant plus massivement, je suis également plus témoin des attaques subies par ces personnes et des stratégies de défense mises en place. Car oui, on en est là. Ces personnes doivent se défendre. Les attaques à leur encontre sont quotidiennes et pour les constater de plus en plus, je pense qu'on peut largement leur pardonner un petit excès d’agressivité ponctuel(elles n'ont rien à se faire pardonner). Pour en arriver à cette conclusion, je me suis remis dans une posture empathique(on revient toujours à la conf d'Audrey). Et si on inversait les rôles? Que je marnais pour trouver du taf, qu'on faisait des blagues tous les jours sur ma barbe mal taillée, mon bide qui dépasse et mes cheveux pas toujours bien attachés? Alors je pèterais un gros plomb, et je deviendrai foncièrement mauvais.

On a la chance d'avoir des féministes actives, à l'écoute, prêtes à expliquer les choses(même si ça leur coûte à la longue). La moindre des choses serait de les écouter et d'arrêter de dénigrer en bloc tout leur propos juste parce qu'elles sont "trop agressives".

Avant de vous quitter, si vous voulez creuser ces questions, prendre conscience de ce que vivent certaines minorités, de ce que sont certaines minorités, voici deux heures bien investies :

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